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Suspension du permis de conduire hors temps de travail : des salariés difficilement sanctionnables, même s’il s’agit de chauffards

L’employeur ne peut pas licencier pour faute un salarié au motif qu’il s’est vu retirer son permis de conduire à la suite d’une infraction commise en dehors de son temps de travail. Il s’agit là d’un motif tiré de la vie personnelle, qui, à ce titre, ne peut pas justifier un licenciement disciplinaire.

Certes, la Cour de cassation admet le licenciement disciplinaire lorsque le fait tiré de la vie personnelle constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. Cependant, le retrait du permis à la suite d’une infraction commise dans le cadre de la vie personnelle ne peut pas être considéré comment un manquement à une obligation découlant du contrat de travail (cass. soc. 3 mai 2011, n° 09-67464, BC V n° 105 ; cass. soc. 5 février 2014, n° 12-28897 D).

Ces règles viennent d’être rappelées dans une affaire où un employeur avait licencié pour faute grave un conducteur routier qui s’était vu suspendre pour trois mois son permis de conduire pendant ses congés en raison d’un contrôle d’alcoolémie positif au volant de son véhicule personnel.

Pour étayer le motif disciplinaire, l’employeur avait bien tenté de soulever, devant les juges, que le licenciement faisait suite à de multiples incidents causés par ce salarié au volant du camion mis à sa disposition et à plusieurs infractions au code de la route dans l’exercice de ses fonctions, incidents et infractions pour lesquels il avait été sanctionné. Selon l’employeur, le licenciement était motivé par l’existence d’un comportement dangereux persistant du salarié dans la conduite de véhicules routiers de nature à caractériser la faute grave.

Mais, pour la cour d’appel, le licenciement prononcé pour faute grave était dépourvu de cause réelle et sérieuse en ce que la suspension du permis de conduire était la conséquence de faits survenus en dehors du lieu et temps de travail et ne pouvait donc pas justifier un licenciement disciplinaire.

Par ailleurs, elle avait retenu que l’employeur n’avait pas mis en œuvre l’intégralité de la procédure conventionnelle protectrice des chauffeurs routiers en cas de suspension de permis. Pour les juges d’appel, selon ces dispositions, l’employeur aurait notamment dû informer en amont les représentants du personnel de la situation et proposer au salarié le poste dont il disposait pour le reclasser immédiatement. Il importait peu que, eu égard à la durée de suspension du permis restant à courir, celui-ci réside à plus de 6km de ce lieu de travail. L’employeur ne pouvait pas se fonder sur l’impossibilité de mobilité géographique et plus généralement de locomotion, pour justifier la non proposition d’emploi de ce poste de nuit.

Soutenant la cour d’appel, la cour de Cassation a estimé que celle-ci avait exactement retenu la règle selon laquelle un motif tiré de la vie personnelle d’un salarié ne peut en principe pas justifier un motif disciplinaire.

Rappelons que l’employeur aurait pu licencier le salarié, pour un motif non disciplinaire, si la perte du permis avait créé un trouble objectif dans le fonctionnement de l’entreprise (cass. soc. 15 janvier 2014, n° 12-22117 D).

Mais tel n’était pas le cas dans cette affaire. En effet, la lettre de licenciement se situait sur le terrain disciplinaire et ce n’est qu’au stade du contentieux que l’employeur avait évoqué un trouble objectif, visiblement pour tenter de réorienter le débat sur le terrain non disciplinaire. Or, la lettre de licenciement fixe les limites du litige, de sorte que, à ce stade, la cour d’appel n’avait pas à rechercher si le comportement du salarié avait occasionné un trouble objectif au sein de l’entreprise.

Cass. soc. 24 octobre 2018, n° 17-16099 D

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