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Expert du CHSCT : quel est le point de départ du délai de contestation de 15 jours ?

Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) peut recourir à un expert agréé lorsqu’un risque grave est constaté dans l’entreprise (c. trav. L. 4614-12, dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2018).

L’employeur peut contester la nécessité de l’expertise, la désignation de l’expert, le coût prévisionnel (tel qu’il ressort du devis fourni par l’expert), l’étendue et le délai de l’expertise. Il doit alors saisir le président du TGI dans un délai de 15 jours à compter de la délibération du CHSCT. Celui-ci statue « en la forme des référés », c’est-à-dire en urgence, mais sur le fond (c. trav. art. L. 4614-13 et R. 4614-19, dans leur rédaction antérieure au 1er janvier 2018).

La Cour de cassation a récemment eu l’occasion de préciser que le délai de 15 jours pour contester le coût prévisionnel de l'expertise ne courait qu'à compter du jour où l'employeur en avait été informé (cass. soc. 28 mars 2018, n° 16-28561 FSPB). En effet, il s’écoule généralement plusieurs semaines entre le moment où le CHSCT vote le recours à un expert et celui où l’employeur prend connaissance du coût prévisionnel de l’expertise. Il fallait donc éviter qu’il y ait automatiquement forclusion.

La décision qui suit s’inscrit dans la même logique : il s’agit d’éviter les situations dans lesquelles la forclusion serait inévitable et priverait l’employeur de son droit d’agir en justice. Ainsi, dans cette affaire, le CHSCT avait rendu deux délibérations, en date du :

- 14 septembre 2016 pour voter le recours à une expertise en raison d’un risque grave,

- 18 octobre 2016 pour voter le périmètre de l’expertise, le choix de l’expert et la désignation de l’élu représentant le CHSCT.

Le 31 octobre 2016, l’entreprise avait demandé l’annulation de la seconde délibération devant le président du TGI, en contestant le périmètre de l’expertise. Mais il avait été débouté de sa demande, jugée forclose, car introduite plus de 15 jours après la première délibération.

La Cour de cassation a déjà admis que le CHSCT vote en deux temps, par exemple sur le principe du recours à un expert puis sur le choix de cet expert (cass. soc. 5 juillet 2018, n° 17-11829 D). Dans le prolongement de cette jurisprudence, elle précise ici que le recours à l'expertise et la fixation de son périmètre ainsi que la désignation de l'expert peuvent également faire l'objet de délibérations distinctes du CHSCT. Cependant, le délai de 15 jours pour contester les modalités de l'expertise ou son étendue ne court qu'à compter du jour de la délibération les ayant fixées.

Or, dans cette affaire, l'employeur contestait l'expertise au regard de ses modalités de mise en œuvre, lesquelles ne figuraient pas dans la première délibération du CHSCT, mais dans la seconde. Le point du départ du délai aurait donc dû être cette seconde délibération, en date du 18 octobre 2016.

Par conséquent, la Haute juridiction a cassé et annulé l’ordonnance rendue par le juge en ce qu’elle déboutait l’entreprise de sa demande d’annulation de la délibération du 18 octobre 2016.

Par ailleurs, et en réponse à un argument du CHSCT qui soutenait que l’employeur n’avait pas expressément contesté, dès la saisine du juge, le coût prévisionnel de l’expertise, la cour de Cassation précise que la contestation par l'employeur du périmètre de l'expertise dans le délai légal imparti induit nécessairement le droit de contester le coût prévisionnel de celle-ci (c. trav art. L. 4614-13).

Elle a donc cassé et annulé l’ordonnance rendue par le juge en ce qu’elle déclarait irrecevable la demande de l’entreprise tendant à voir le coût prévisionnel de l’expertise.

L’affaire a été renvoyée devant le président du TGI statuant en la forme des référés.

Signalons enfin que ce contentieux n’a pas lieu d’être pour le comité social et économique (CSE). Pour rappel, cette institution représentative du personnel se substitue progressivement aux délégués du personnel (DP) et, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, au comité d’entreprise (CE) et au CHSCT. Dans cette nouvelle configuration, qui sera la norme à compter du 1er janvier 2020 au plus tard, le recours à un expert en cas de risque grave dans une entreprise d’au moins 50 salariés incombe au CSE (c. trav. art. L. 2315-94).

Or, les règles relatives au CSE ont justement pris soin de dissiper toute ambiguïté, en définissant le point de départ du délai selon la nature de la contestation de l’employeur (délai qui s’élève par ailleurs à 10 jours au lieu de 15). Ainsi, le délai court à compter de la délibération du CSE décidant le recours à l’expertise si l’employeur entend contester la nécessité de l’expertise, à compter de la désignation de l’expert s’il entend contester le choix de l’expert, à compter de la notification par l’expert du coût prévisionnel de l’expertise s’il entend contester ce cout, etc. (c. trav. art. L. 2315-86, R. 2315-49 et R. 2315-50). Voilà qui dispense donc le juge du travail de clarification auquel il a dû se livrer pour le CHSCT.

Cass. soc. 20 mars 2019, n° 17-23027 FSPB

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